QUI SOMMES-NOUS

Équipe

Après avoir arrêté sa maîtrise en sciences sociales, Ann s’est vue décerner plusieurs prix pour ses montages de film. Passionnée depuis longtemps par les questions environnementales, elle ressent le besoin vital de rendre le monde meilleur. Dans le monde du cinéma, elle se distingue par sa capacité à résoudre les problèmes, un talent qu’elle espère pouvoir utiliser pour éviter l’apocalypse.

Barnaby vit en Angleterre et travaille comme animateur. Son univers flamboyant palpite au rythme d’une bande sonore de film. Même en tournant le volume à fond, il ne peut rester sourd au danger imminent que représente la crise climatique. Appartenant à la Génération Z, il se bat avec passion pour créer un monde qui sera encore viable lorsqu’il aura dépassé la trentaine.

En tant que réalisatrice et productrice de films, Juliane a remporté de nombreux prix. Après avoir travaillé pendant six ans en Asie, elle est retournée dans son Allemagne natale où elle élève désormais son petit garçon. Chaque jour, il lui rappelle la responsabilité qui pèse sur sa génération de préserver la beauté du monde dans lequel nous vivons.

L’importance de la lutte contre le
gaspillage alimentaire

Ayant grandi dans une famille avec de faibles revenus, je sais combien il est difficile de nourrir une famille. Ma mère, qui nous a élevés seule et devait jongler entre plusieurs emplois à temps partiel, a fait en sorte que nous n’ayons jamais faim, même si je me demande souvent si, pour cela, elle ne devait pas elle-même se priver. Je me rappelle vaguement les fois où elle devait « faire une pause » lorsque nous nous rendions à l’école alors que le chemin était assez court. Elle était souvent de mauvaise humeur et stressée, ce qui veut dire que nous, ses enfants, vivions aussi dans le stress permanent. Avec le recul, je reconnais l’énorme pression qu’elle subissait en tentant d’élever seule ses 3 enfants. Je reconnais également que notre vie aurait été beaucoup plus facile si elle n’avait pas dû consacrer une grande partie de ses revenus pour combler nos besoins alimentaires de base. Je me demande quelle différence cela aurait-il fait dans sa santé mentale, dans sa capacité à passer plus de temps avec nous, à finir ses études universitaires, ou simplement à se détendre. Si ce besoin fondamental avait été satisfait, toutes ces ressources financières et cette énergie auraient pu être utilisées pour nous aider à devenir meilleurs. Au lieu de nous contenter de survivre, nous aurions pu nous épanouir.

Plusieurs décennies se sont écoulées et j’avais fait un bon bout de chemin depuis cette époque. Grâce à la flexibilité de mes horaires de travail dans le montage de films, j’ai pu participer à des manifestations pour l’écologie, notamment contre la construction d’une mine de charbon dans l’Outback australien. Pour accueillir les militants qui venaient de la ville, une ferme à proximité de la mine avait ouvert un camp permanent pour qu’ils puissent y planter leur tente pendant quelques jours, voire pendant plusieurs mois. Grâce à l’énergie produite par des panneaux solaires et alimentant nos ordinateurs portables pouvant capter Internet avec des clés de sécurité, nous étions plusieurs à pouvoir faire du télétravail. Chaque soir à la lumière des étoiles, nous partagions un repas étonnamment savoureux et sain, préparé au feu de bois. Le camp était entièrement autofinancé par les contributions modestes versées par les militants. Néanmoins, la nourriture de qualité et en grande quantité à laquelle nous avions accès et qui était financée à partir du petit bocal de “dons” m’apparaissait chaque soir comme un véritable tour de magie. Il m’a fallu un certain temps avant de comprendre en réalité d’où venait cette nourriture. Plusieurs fois par semaine, certains se rendaient en ville pour glaner ce que les supermarchés ne voulaient pas. La nourriture qu’ils récupéraient dans leur camion et qui était destinée à la poubelle suffisait à nourrir l’intégralité du camp.

Ce que l’on appelle le « glanage urbain » est une expérience tout à fait édifiante. La quantité et la qualité des aliments qui sont jetés chaque jour par les supermarchés dépassent l’entendement. Et le fait que ce phénomène se produise dans chaque magasin, dans chaque ville et dans chaque pays occidental est absolument aberrant. Mais pour moi, ce phénomène était scandaleux. Je pensais avoir été privée d’une enfance normale en raison de circonstances malheureuses et indépendantes de ma volonté. Cependant, en voyant les quantités de nourriture encore comestible jetées à la poubelle, j’ai réalisé qu’il s’agissait plutôt d’une immense tromperie. Pourquoi ne pas faire don de toute cette nourriture à des familles en difficulté au lieu de la jeter? Si nous avions pu bénéficier de cette nourriture, les choses auraient pu être bien différentes pour nous… Si nous avions pu nous offrir des vêtements d’hiver de bonne qualité, je n’aurais peut-être pas été constamment malade. Si je n’avais pas eu tant mal aux pieds en courant à cause de mes chaussures trouées, j’aurais pu me découvrir plus tôt une passion pour le sport. Si les manuels scolaires achetés d’occasion n’avaient pas été aussi vieux et dépassés, j’aurais peut-être eu de meilleures notes. Cette nourriture saine, qui aurait pu m’aider à avoir une enfance normale, était tout simplement jetée à la poubelle, comme si cela n’avait aucune importance. Comme si toute la souffrance et le traumatisme de la pauvreté vécus et intériorisés par les enfants n’avait pas aucune importance. Comme s’il était normal de jeter des choses que les gens aisés dédaignent, parce qu’ils en ont en abondance, et normal que tous les autres doivent faire de leur mieux pour survivre.

Aujourd’hui, je vis assez confortablement dans un quartier bourgeois de Toronto. À chaque fois que je marche dans la rue, je vois l’argent et l’excès qu’on y étale : lorsque j’entends les pneus d’une Lamborghini crisser sur le bitume de la rue Queen ou quand je vois des jeunes branchés débourser 6 dollars pour un café qu’ils afficheront fièrement sur Instagram avant de le consommer. Ce genre de spectacle me met en colère, surtout lorsque les PDG des grands supermarchés insultent mon intelligence en se disant qu’il est « trop difficile » de faire don de cette nourriture plutôt que de la jeter à la poubelle. 

Ce qui est « difficile » c’est d’essayer de trouver des solutions à la crise climatique dans le peu d’années qu’il nous reste. 

Ce qui est « difficile » c’est de changer son mode de vie pour s’adapter à une nouvelle maladie mortelle. 

Ce qui est « difficile » c’est d’élever ses trois enfants avec un faible revenu sans perdre complètement la tête. 

Faire don de quelque chose dont on ne veut plus à une personne dans le besoin n’est pas « difficile », c’est tout simplement faire preuve de décence.

Qu’est-ce qui est si difficile dans cela?

Ann